La fin des saisons
La vie, la mort. Le oui, le non. Pourquoi ? Parce que. Parce que quoi ? Pourquoi tous ces parce
que ? Parce que tous ces pourquoi.
Pléthore de pourquoi, car nous ne sommes plus. Du moins un petit peu. Peu, c’est déjà bien. Reconnaître, c’est faire grandir ce peu. Ce peu, par lequel je peux. Puisque nous avons fait avec peu. Il est maintenant temps de grandir. Un enfant peut, et fait avec peu. Et avec peu, il fait tout. Tout un monde à sa portée. Pas de vie, pas de mort. Ni oui, ni non. Pas de pourquoi, mais des parce que. Par ce qui. Par ce qui est. Pour ce qui est. Pour celui qui peut. Alors ceux qui peuvent, font. Font et défont. Car avec peu, on fait souvent ce que l’on peut. Plusieurs mondes à notre portée. Porter ces mondes en soi, à Soi, pour ceux qui peuvent. Ou pour ceux qui pleuvent. Pleurent des larmes, car peu. Peu de ce qui l’ont toujours habité. Mais ce si peu, qui a fait que, il a pu pleuvoir en leur cœur, c’est qu’ils l’ont reconnu, ce peu. Et ça, c’est déjà beaucoup. Beaucoup, parce que trop. Trop de pas assez. Assez de trop peu. S’en ait assez. Je suis. Je Suis car Tu Es. Tu Es car Je me Suis vu en Toi. Vu ce peu. Vu ceux qui peuvent. Peuvent voir ce peu en l’Autre afin de lui faire toucher toute la subtilité de ce qu’est pouvoir. Pouvoir Être. Pouvoir Naître. La Vie, la Mort. Être et ne pas être. Est-ce que ne pas être, c’est être ? Un petit peu. Être ce petit peu, afin d’être un peu plus. Un poil plus. Afin de ne plus, ne plus être. Car Nous Sommes. Nous Sommes, ces petits êtres, mais si grand, une fois ce petit peu reconnu en notre poitrine. Au centre de celle-ci, s’y cache un petit peu de grand. Et ce petit peu de grand, deviendra grand. Afin de devenir grandiose. Grandiose de virtuose, virtuose de la vertu à faire fleurir les jardins les plus secs. Asséchés, de ce petit peu. Desséchés, de ce qu’ils ont pu, de ce qu’ils ne peuvent plus.
Alors larmes deviendra pluie. Afin d’y remarier terre et eau, réhydrater cette base pour qu’elle redevienne terreau. Terreau devenu si sec, craquelé, tel un petit cœur gercé. L’arrosoir est à portée de main une fois que l’on a reconnu qu’il peut pleuvoir sur ce petit peu. Alors déjà, l’on peut observer le retour des hirondelles. Hirondelles volant bas, annonçant la pluie, et pour mieux observer ce terreau bientôt fertile. Fertile de vers, et de mots. Fertile de divers maux. Méconnu, inconnu mais bientôt connu qui nous mettra à nu. Nu comme un vers, aérons cette terre en acceptant l’inconnu. Pour enfin dire que l’on a toujours su. Su ce que ce si peu, voulait dire. Su ce que c’était d’Être. D’Être afin d’émettre. Émettre et reconnaître un jardin fertile. En l’arrosant peu. Peu, car sinon l’eau s’échappe par les craquelures de cette terre, qui a peur de se mettre à nu, comme un ver. Mais le vert viendra. Le vert viendra avec le vent. Le vent viendra avec les remords, les regrets, les rejets.
C’est l’automne.
C’est l’automne car nous les voyons s’envoler vers d’autres cieux ces hirondelles, emportant avec elles ces pouvoirs, ces vouloirs, ses espoirs. Ses propres espoirs. Car il a voulu, alors il a pu, puis il a vu, alors il a plu. Vu qu’il a pu avec ce peu. Mais ce peu, peut faire peur. Terre desséchée doit doucement se laisser imbiber. L’impression d’une marche à reculons, nous ramène dans un froid, une raideur nouvelle. Chacune des feuilles de l’espoir ont été balayée par le vent. Laissant ce tapis de feuilles, qui servira pour plus tard, un peu, plus tard. Laissant ces arbres d’un souvenir fertile, qu’il lui rappelait, un peu, une Force d’antan. Laissant ces hirondelles, qui lui rappelaient le printemps d’avant. Souvenir d’un Cœur qui a migré. Souvenir d’un Cœur irrigué.
C’est l’hiver.
C’est l’hiver, et, nu comme un ver, il aurait bien voulu se faire emmener. Quitte à tout délaisser. Se faire emmener d’un bec, échassier si possible, grue l’aurait voulu, mais cendre à celui qui veut sauter de l’hiver à l’été. Laissons cette grue, cendrée, s’en aller, vers le Soleil. Elle ne craint ni les remous, ni les remords sous ses grandes échasses. Ces longues pattes, ce long cou, puis ce long bec qui en dit long, nous rappellent un pont. Pont des pieds dans l’eau, et les ailes, pour aller en haut, puis long bec, pour aller en bas. Plus bas que le sol même. Car le Soleil même, nous attend plus tard, une fois aller plus bas.
Bas, comme la température. C’est l’hiver. C’est l’hiver d’un temps qui n’existe pas. Un repos semblant éternel. Souvenir d’un temps, où l’hiver n’existait même pas. Oiseaux qui sont restés se recroquevillent. Alors cela rappelle cette terre tantôt délaissée à travers ce tapis, de neige, cette fois-ci. Mais ce tapis n’est plus un tapis, petit Cœur. Tapis neigeux de l’hiver commence à comprendre qu’il n’est plus nécessaire de laisser se délaisser, se laisser aller, crotté de ce qui nous tient en bas.
En bas, des chaussures marchant d’un pas trop sûr, se laissait ainsi maintes autres se décrotter sur ce que l’on appelait tapis. Mais ceci a cessé, car c’est devenu manteau à présent. Joli manteau de neige qui recouvre des feuilles. Des feuilles défaites de leurs bras source commencent déjà même à devenir engrais sans même qu’elles s’en rendent compte sous ce beau manteau, chaud, d’un hiver où l’on apprend à s’aimer. Car l’on commence à comprendre que délaisser n’est pas délesté. L’hiver nous rappelle que nous nous sommes délaissés, mais le Cœur lui, n’est pas délesté. Arrivé l’âge du délestage, c’est bien du pourtour de Celui-ci auquel nous nous référons. Délaisser ce tapis, crotté, devenu lourd, lourd de ce pourtour, car il devient lourd de ne faire qu’effleurer les contours. Le Soleil au centre de cette gangue commence à être senti. Apprivoiser sa propre bassesse dans un hiver du Cœur peut faire froid dans le dos. Mais une fois celle-ci accueilli, elle est telle un rayon de Soleil s’échappant par-dessus la montagne venant caresser notre joue rouge un jour de grand froid. Divin. Une fois de plus, le mariage des éléments nous prête son attention à sa juste mesure afin d’en apprécier chacun des aspects. Alors quand il est temps, une fois que tout ce qui nous faisait peur a bien été posé, déposé, cueilli, puis recueilli afin d’être accueilli, l’on peut observer le retour du vert. Vert, couleur de l’espoir. Espoir de voir car il s’est vu, nu comme le ver, de retour lui aussi.
C’est le printemps.
Squelette de ces arbres paraissant sans vie, poussant nouvelles feuilles, brindilles et bourgeons appellent à elles les hirondelles. Alors tous les espoirs sont de nouveau permis. D’autres horizons nullement envisageables lui paraissent, car ils ne pouvaient l’être avant le délaissage, qui n’était qu’un sage délai.
C’est le printemps. Ce temps premier sortant d’une descente qui n’en n’était pas vraiment une. Descendre, des cendres. Descendre ses propres marches intérieures afin d’y embraser ses profondeurs, pour y disperser ses propres cendres, pour finalement embrasser ce renouveau Solaire. Alors tout reprend vie. Petit monde actif de gazouille, car grouille le terreau. Et Humain, entre Terre et Ciel. Pont de l’Amour, ce voyant marcher dans ce jardin, pressent qu’un jour, des oiseaux ainsi que des fleurs venant d’un autre monde s’y sentiront à leurs places, à force d’y avoir embrassé le Soleil.
Soleil de trop. Trop de Soleil, pas assez d’eau.
C’est l’été.
Qu’est-ce que l’été ? Est-ce trop ? Pas assez ? Peu de ? Juste assez de ? Non, rien de tout cela. Cela est un tout. Une danse. Une danse y est permise dans cet été, enfin. Dégourdi, décalciné de ce petit jeu, où l’on apprend un peu plus ce que veut dire Je. Danser, être dans Soi. Dans ce qui est. Dans ce qui nous sommes. Jongler, marcher sur un fil, funambule de la Vie, de l’Amour, de la Mort. Rien de tout cela existe finalement. Ce fil que nous avons nous-même tissé, puis tendu, à la force des pourquoi, ne faisant que rebondir dessus, nous apprend à lâcher du lest, lâcher du mou. Car ce trampoline que nous avons tissé, où l’on y a entremêlé chacun nos propres fils, tendu, nous menant sans cesse en haut, puis en bas, appelant avec eux les pourquoi, et les parce que, nous rappelle une main, tendue. Tendue de tendresse. Tendre cette main détendue, détendue d’un Amour sans-nom, nous appelle au retour à la Maison.
Sortie de cycle, sortie de cette roue. Les plus funambules y vont sur une roue, en monocycle, bras tendu, mais détendu, accueillant l’équilibre, accueillant l’Autre. Se révéler, puis se réveiller à l’Autre dans cette ronde d’Amour, qui ne nous avait jamais réellement quittés. Quitte de la maya. Quitte de l’illusion. Quitte de l’esquisse d’un jeu sans nom, d’un brouillon brouillé de non-Amour.
À nous de le débarbouiller par Amour. Pour l’Amour. Car il n’y a jamais rien eu d’autre que cela.
Amour synonyme de Joie. Joie synonyme de Paix. Paix, synonyme de Fin.